Consternation… immense
tristesse…
Avant d’habiter Thorigny,
j’ai toujours demeuré dans les environs proches : Pomponne, puis
Chanteloup pendant la guerre, puis Lagny où mes parents avaient acheté une
petite maison en bord de Marne. Nous regardions de nos fenêtres le petit
village de Thorigny, sur l’autre rive, côté sud, et nous rêvions d’y habiter
surtout après deux graves inondations. Ce rêve devint réalité en 1954 :
nous nous sommes installés mes parents et moi au 26 rue Clemenceau dans une
petite maison en hauteur et très bien exposée sur ce versant ensoleillé. Je me
souviens des travaux, des matériaux que
nous devions hisser jusqu’à la maison, par la rue Jean Jaurès, mon père avec la
brouette et moi la corde pour tirer et l’aider. J’avais 20 ans.
Je me suis tout de suite
plu à Thorigny, comme si j’y avais toujours vécu.
Puis je me suis mariée
en 1966, m’installant avec mon mari à quelques kilomètres de Thorigny. Je
venais aussi souvent que possible chez mes parents, voir mes amis, à chaque
élection, car finalement je n’ai jamais voté ailleurs qu’à Thorigny. Je venais
avec mes deux petits garçons dont le plus jeune a d’ailleurs été scolarisé à l’école
maternelle Clemenceau. Sa « première école », comme elle est aussi la
première école de ses enfants, mes petits-enfants.
Mon mari est décédé
brutalement le 21 juin 1974. Mes fils avaient 7 ans et 4 ans. Dès le lendemain
de ce drame, je revenais vivre chez mes parents au 26 rue Clemenceau. Maman me
parlait d’une maison, inoccupée, en face, me disant qu’on serait tout à côté.
Hélas, elle est décédée un an après mon mari. La petite maison dont elle me
parlait a été mise en vente et je l’ai achetée. C’est celle que j’occupe encore
aujourd’hui au 23 rue Clemenceau.
Datant des années 1800, c’était la forge de
Thorigny.
La grande porte d’entrée en façade, conservée aujourd’hui, était l’accès des
chevaux. Le rez-de-chaussée était en terre battue avec l’immense cheminée du
forgeron, toujours intacte, intégrée à mon intérieur. J’ai fait faire des
travaux donnant à cette demeure le cachet qu’elle garde aujourd’hui.
Quant au jardin, c’est
Papa qui l’a travaillé, créé, arboré. Autant d’arbres, autant de souvenirs de
lui.
C’EST MA MAISON DE
FAMILLE.
Elle se nomme Amalka en souvenir des
origines slovaques de mes parents.
C’est notre maison
familiale à mes deux fils et à moi. Nous l’aimons, nous nous y sentons bien. Et
c’est en famille, avec femme et enfants que mes fils viennent maintenant m’y
rendre visite, profiter du jardin. Comment expliquer à mes
petits-enfants dont l’aîné n’a que 7 ans que la maison de Baba va être rasée ?
Et puis, pour les
enfants du quartier c’est « la maison au sapin ». En effet, chaque année, à la période de Noël le décor
installé est admiré et apprécié par les jeunes enfants des écoles Clemenceau et
Gambetta qui passent devant plusieurs fois par jour. Quel plaisir de voir leur
mine réjouie de derrière mes fenêtres !
Alors quand Monsieur
THIESSON est venu me rendre visite il y a 2 ans pour m’indiquer ce qu’on allait
me « prendre » du terrain, au fond de mon jardin,
là où les arbres plantés par mon père sont magnifiques, c’est un morceau de mon
cœur que l’on m’a arraché. Je ne savais pas encore que ce n’était que le début de ma souffrance.
Après une période de
silence au cours de laquelle je ne cessais de penser à l’abatage des mes
arbres, j’ai reçu, le 12 mars 2007, une
première lettre de C.F.H. (consortium français
de l’habitation) concernant une partie de mon terrain. Je n’ai pas répondu. Ils
m’ont ensuite téléphoné pour prendre rendez-vous : j’ai refusé cette
proposition de rencontre.
Puis une lettre de Bouygues Immobilier le 4 juillet 2007, cette fois-ci me parlant de
l’achat de ma maison. Je n’ai pas répondu.
Et puis au début de
l’automne tout s’est précipité. Il s’agirait non plus d’un bout de mon jardin,
mais de toute ma propriété. J’étais consternée, je n’arrivais pas à y croire.
Puis enfin, la lettre « d’invitation » signée par Monsieur THIESSON
pour une réunion d’information en mairie le soir du 17 octobre 2007.
Je suis allée à cette
réunion avec mes voisines et voisins. Et là ce fut l’horreur. ON VOULAIT RASER MA MAISON, ON VOULAIT DETRUIRE AMALKA. Ca m’a rendue malade.
Je me suis éloignée, je suis partie me reposer. … Je n’en pouvais plus, j’ai même pensé au pire …, malgré le soutien
de ma famille, de mes voisins, puis de SOS THORIGNY. Je n’ai même pas pu assister à la réunion publique au Moustier
le 25 octobre.
A mon retour, on m’a
raconté combien nombreux étaient les habitants de Thorigny au Moustier ce soir
là, combien
ils avaient contesté ce projet. Je ne me sentais plus seule, j’ai repris de l’énergie, prête à
me battre pour garder MA MAISON jusqu’à la fin de mes jours.
Mais je tremble encore. Un jour on rase, un jour
on ne rase plus. Monsieur GRUSZKA m’a appelée samedi 10 novembre au tout début
de l’après-midi pour me dire que les 9 maisons seraient conservées… Faut-il y
croire ?
Je ne dors plus, je ne
pense qu’à ça et j’ai envie de leur crier à tous ces élus municipaux : LAISSEZ MOI TRANQUILLE, RESPECTEZ-MOI, comme jadis on
respectait les anciens.
J’ai 73 ans, l’âge me
disait-on de la sérénité. Mais à THORIGNY, ce mot ne semble plus avoir de
signification en cette fin 2007.
Comme ne semblent plus
subsister non plus les mots dimension humaine, respect des habitants, vérité,
bonheur de vivre… toutes les qualités qu’avait notre petite ville il y a 3
années encore…
Je pense à la visite de Monsieur Chantrel qui ne voyait pas bien
la nécessité d’amputer mon jardin, je pense très fort à sa femme Simone, me
disant qu’elle est partie juste avant que ce scandale éclate… elle en aurait
été plus que malheureuse elle aussi.
La Cadastrée AM 102 - 103
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.