Expropriation & Préemption deux armes fatales
de première catégorie pour venir à bout des propriétaires.
Une municipalité dispose de deux armes pour déposséder un propriétaire de son bien et se l’accaparer, il s’agit de l’expropriation et de la préemption. Si la finalité d’acquérir un bien immobilier est la même, ces méthodes ne s’appliquent pas de la même manière. Nous ne traiterons aujourd’hui que de la préemption, l’expropriation sera traitée dans les tous prochains jours.
Il existe d’autres
méthodes tout aussi fatales, mais relevant du pénal, nous nous plaisons à
penser qu’elles ne seront pas employées.
La préemption
La Préemption ne peut être utilisée que lorsque le propriétaire décide lui-même de se séparer de son bien immobilier en le mettant en vente. L’acquéreur de ce bien, pour simplifier, signe un compromis de vente qui est ensuite adressé à la mairie qui dispose d’un droit de préemption (DPU). Si au terme du délai de ce droit de préemption la mairie ne souhaite acquérir le bien, le vendeur peut conclure la transaction, il n’y a plus qu’à rédiger les actes notariés et le bien change de mains. C’est ce qui se passe dans une très grande majorité de cas.
En revanche, si la mairie joue de son droit de préemption dans les délais, alors les choses peuvent réellement se compliquer, pour le vendeur d’une part, et pour l’acquéreur d’autre part qui aura pu lui-même mettre son bien en vente pour financer l’opération et qui de ce fait risque de se retrouver à la rue.
Le délai de préemption est de deux mois et la mairie attend généralement le dernier jour pour préempter, si elle le faisait au premier jour, les choses seraient trop simples.
Lorsque la mairie préempte, les choses peuvent devenir réellement sérieuses car elle peut acheter à un prix nettement inférieur au prix qui avait été convenu entre le vendeur et l’acquéreur. Les services fiscaux établissent une évaluation du bien, cette évaluation remplace la somme convenue dans la transaction initiale.
Lors de la première réunion de « concertation » au Moustier le 25 octobre 2007, une personne dans la salle nous a dit avoir été la victime d’une telle procédure à Thorigny. Nous avons immédiatement décidé de vérifier ses propos, nous avons rencontré cette personne et vous livrons l’histoire de ce contribuable qui a fait les frais d’une procédure de préemption.
Accrochez vous, vous allez être surpris ! Au fil de la lecture vous vous direz sans doute que cela pourrait vous arriver, eh bien oui, cela PEUT vous arriver !
La préemption :
histoire vécue par Monsieur et Madame Brault
Monsieur et
Madame Brault mettent en vente leur maison au 8 de la rue Gambetta à Thorigny,
ils trouvent acquéreur le 22/11/2004 pour leur bien au prix de 224 000 euros. L’offre
d’achat est alors transmise à l’actuelle équipe municipale de Thorigny afin que
celle-ci se prononce sur une éventuelle préemption.
Le 28 janvier 2005,
DERNIER
JOUR DU DELAI DE PREEMPTION la municipalité informe qu’elle préempte
le bien. A noter que nos élus ont envoyé un courrier avec accusé de réception à
l’acheteur et non pas au vendeur, ce qui en soi peut être considéré comme un
vice de forme. Monsieur et Madame Brault seront informés par leur notaire
par simple lettre le 2 février 2005 qu’au terme d’une
évaluation réalisée par les services fiscaux, il sera proposé la somme de
184 000 euros à Monsieur et Madame Brault pour leur maison ! Soit 40 000 euros de moins que ce qu’un acheteur avait
accepté de payer !
Monsieur et
Madame Brault s’étant par ailleurs engagés dans l’acquisition d’un nouveau bien
ont fait part des «difficultés »résultant de la baisse du prix de vente, nos
élus, magnanimes , 19 voix pour et 7 voix contre ( voir PV du conseil municipal du 9 mai 2005 pour ceux du conseil municipal qui ne se rappeleraient pas avoir participé à la préemption ... ), ont rallongé le montant de 10%, la somme de 202 400 euros a donc été proposée
aux vendeurs. Ce qui représentera au final une perte nette de 21 600 euros par rapport au prix
de vente initial !
Monsieur et
Madame Brault pressés par leur nouvelle acquisition n’ont eu d’autre choix que
d’accepter. Il se sont alors renseignés et ont découvert que la municipalité
disposait alors d’un délai de 3 à 6 mois pour signer officiellement l’achat du
bien et que le délai de paiement était laissé à leur bonne volonté ( dixit la
loi ).
Monsieur et
madame Brault ont eu la présence d’esprit de se faire assister d’un avocat dès
qu’ils ont appris que nos élus avaient préempté, ce qui leur a permis de
négocier les 10% supplémentaires et d’être payés dans des délais raisonnables.
Frais d’avocat à la charge de Monsieur et de madame Brault : 4 886 €.
La
perte grimpe à 26 486 euros.
Mais la perte
ne se limite pas qu’à cela !
Il faut savoir
que la préemption n’est pas une clause suspensive dans un contrat de vente,
c'est-à-dire que Monsieur et Madame Brault on dû trouver d’autres solutions
pour financer leur nouvelle acquisition. Outre les frais de crédit relais, ils
ont dû emprunter une somme bien supérieure !
Il faut également considérer que cette préemption les a obligés à revoir leur plan de financement en empruntant 50 K€ supplémentaires (avec prêt relais et différé d'amortissement sur les autres prêts) et à allonger la durée des prêts de 34 mois:
- prêt relais : 500€ d'intérêts
- différé : 3 367€
- intérêts supplémentaires payés à ce jour : 3 900€
- allongement de la durée des prêts : 32 732€
La perte totale
a donc été de 66 985 euros
Sans tenir compte des intérêts supplémentaires qu’ils continuent à payer tous les mois.
Le préjudice
financier qui est de 66 985 €,
serait bien plus important s’il existait une formule pour quantifier la
souffrance morale qui leur a été infligée, s’il existait un barème pour évaluer
le coût de nuits d’insomnies et autres nuits d’angoisse. Ca vaut combien une nuit de cauchemar ? Ca vaut combien la perte de 10 kilos ? Ca vaut combien le temps qu'il leur aura fallu passer pour venir à bout de la machine administrative ? Ca vautr combien les discussions qui auraient pu mettre à mal la vie d'un foyer ?
Deux ans après
cette expérience désastreuse, la souffrance qu’ils ont subie est encore
présente dans leur voix.
Est-ce que nous
pouvons utiliser le mot « douce »
pour qualifier la préemption dont ils ont été victimes ? Sachant que le
but est de raser leur maison pour faire des immeubles doux selon les termes de l'architecte urbaniste qui nous a présenté le projet au Moustier le 25 octobre 2007.
Que valait cette
maison ?
Dans le procès verbal de la réunion du conseil municipal du 9 mai 2005 il est dit textuellement : « il n’y a pas spoliation des vendeurs ; les prix fixés par les services fiscaux correspondent à une valeur réelle du bien. Ils n’ont pas à tenir compte de l’irrationalité du marché immobilier ».
Pour 202 400 euros, la municipalité a acquis une maison de 3 niveaux, avec une véranda de 20 m2. Soit un total de 200m2. Les propriétaires ont remis à NEUF cette maison acquise en 2001.
Lorsque l’on sait que les appartements neufs au cœur du village se sont vendus en moyenne à 3 700 euros, la somme octroyées à Monsieur et Madame Brault leur aurait tout juste permis d’acheter un appartement de 54,7 m2. Où se situe l’irrationalité du marché immobilier ?
Les contribuables de Thorigny savent-ils qu'ils font les frais de cette acquisition restée vide depuis 2005 ?
Pourquoi avoir préempté
cette maison ?
Selon le procès verbal de la séance du conseil municipal du 9 mai 2005, il est dit que cette préemption s’inscrit dans les objectifs d’aménagement du centre ville figurant dans le CADUCE et le contrat régional. Où peut-on se procurer le CADUCE ? Quel est le périmètre du CADUCE, quelles sont les parcelles concernées ? De quand date t-il ? Les seules informations que nous avons trouvées sont dans le compte rendu de la réunion du conseil municipal de février 2005, peu laconique en la matière.
Merci à nos sympathisants de nous fournir cette information.
Monsieur et
Madame Brault qui depuis assistent aux réunions du conseil municipal ont appris
qu’une somme d’argent avait été provisionnée en 2006 pour deux autres maisons à
proximité immédiate de leur ancienne maison.
Conclusion sur la
préemption
Futurs acheteurs, attention, le bien que vous vous apprêtez à acquérir ne vous appartient pas à vie ! Une municipalité peut vous le ravir le jour où vous le vendrez, où à n’importe quel moment lorsqu’elle décidera d’implanter une ZAC en vous expropriant !
Il est important de savoir que vous pouvez bien évidemment refuser de vendre votre bien à la municipalité. Vous ne pourrez plus de ce fait le remettre en vente avant un délai d’un an, en revanche, rien ne vous interdit de le louer.
Nous aurions pu toucher le fond du cynisme car la loi permet à la municipalité de se retirer de l’opération de préemption quand bon lui semble. En d’autres termes, Monsieur et Madame Brault auraient pu, au terme d’un certain délai, repartir à la case départ et se remettre à la recherche d’un nouvel acquéreur sans pouvoir demander quoi que ce soit en dédommagement tout en remboursant l’acquisition de leur nouvelle maison !
Les époux Brault auraient pu profiter de l’augmentation du prix du marché immobilier en réalisant une plus value sur leur bien, mais il semblerait que ces possibilités ne soient par offertes aux simples mortels que nous sommes. Les promoteurs immobiliers ont de beaux jours devant eux !
Questions ouvertes
Peut-on traiter des habitants de cette manière ?
Suffit-il de se retrancher derrière ce que les textes de loi disent pour se donner bonne conscience ?
En dehors des 9 propriétaires menacés de vivre la même expérience prochainement, quels sont les autres projets qui vont donner lieu à préemption et à expropriation ? Nous aimerions que le maire adjoint à l’urbanisme s’avance sur ce sujet.
Voilà, c’est un peu long, merci d’être allé jusqu’au bout.
Philippe Leterrier
Président SOS Thorigny
Références
Le procès verbal de la séance du conseil municipal du 9 mai 2005 consacré à cette affaire est disponible sur le site de la mairie de Thorigny à l’adresse suivante : http://www.thorigny.fr/IMG/pv20050509.pdf
Pour en savoir plus sur le droit de préemption : http://perso.orange.fr/joseph.comby/droit_de_preemption.htm
Le Particulier n° 921 – Mai 1999 : « quand la commune abuse de ses droits »
Vivre à Thorigny mars-avril 2005, dans lequel Madame Zeller
qui a voté contre cette préemption affiche clairement son point de vue de
préservation du centre ville !
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